On skiait sur le toit du Var au mont Lachens
Introduction :
Un article de var matin parus en février 2013, cinq mois après la démolition de la station en septembre dernier, ou des témoignages racontent ce passé au sommet varois.
Ce que résume l'article :
Dans les années 1960, alors que le ski devient un phénomène de société, les stations fleurissent dans les Alpes et les Pyrénées. Dans le Var, un pari audacieux est lancé : créer une station de sports d’hiver à 1 714 mètres, sur les pentes du mont Lachens, le point culminant du département. Le projet, envisagé dès 1951 par un ingénieur des Ponts et Chaussées, se concrétise dix ans plus tard sous l’impulsion d’un groupe d’entrepreneurs varois. La société Varneige voit le jour à Saint-Raphaël, avec le soutien du Comité départemental du tourisme.
L’inauguration officielle a lieu lors de l’hiver 1965-66. La station dispose alors d’un téléski, d’un fil neige, de trois pistes et d’un hôtel-restaurant de 21 à 25 chambres, équipé d’un snack-bar. Elle devient immédiatement populaire : les skieurs arrivent de Toulon, Draguignan, Grasse, parfois pour la journée seulement. Les jeudis (alors jour de repos scolaire) et les week-ends, la station est prise d’assaut. L’accès direct aux pistes en voiture, chose rare à l’époque, est mis en avant comme un atout. L’ambiance est familiale et joyeuse, les repas pris à l’hôtel permettent de surveiller les enfants en train de faire de la luge ou de s’initier au ski. L’hiver est alors généreux en neige. On y croise même des figures du ski français comme Marielle Goitschel ou Jean-Claude Killy, qui contribuent à l’essor de ce sport dans l’imaginaire collectif.
Mais rapidement, les difficultés apparaissent. La route, bien que récente, est sinueuse, verglacée, difficilement praticable dès que le froid s’installe. Faute de classement administratif, elle n’est pas desservie par les chasse-neige du Var : il faut attendre l’intervention de ceux des Alpes-Maritimes, un paradoxe qui laisse régulièrement la station coupée du monde. Lors d’une visite de presse censée marquer une pré-inauguration officielle, les responsables de Varneige sont bloqués à 800 mètres du but par un mur de neige. L’eau courante est également un problème : il faut faire venir l’eau potable à bord d’un camion-citerne de 6 000 litres, siglé "France Lait", un dispositif à la fois risqué et coûteux.
Malgré un engouement réel, la station peine à rivaliser avec les domaines mieux équipés des Alpes du Sud, comme l’Audibergue à Andon, à quelques kilomètres à vol d’oiseau. Le manque d’enneigement certaines années, combiné à des finances fragiles et une accessibilité incertaine, finit par avoir raison de ce rêve varois. En 1971, l’hôtel est mis aux enchères. Il est racheté par la ville de Saint-Raphaël, qui l’utilise comme colonie de vacances d’hiver pour ses enfants. Ce n’est qu’un sursis : le site est abandonné au fil des décennies. Pillé, tagué, vidé, l’ancien hôtel est finalement rasé en 2012 par le Conseil général, dernier propriétaire en date.
Aujourd’hui, la station de Varneige au Lachens reste un témoignage poignant d’une époque révolue où l’on croyait encore pouvoir faire du ski dans le Var. Si le site attire encore quelques randonneurs et nostalgiques, il symbolise surtout l’ambition et la fragilité des petites stations nées dans les années 60. Les souvenirs, eux, restent vivants : un maire qui se souvient de ses descentes adolescentes sur des skis à ressorts, un chauffeur livrant de l’eau sur une route trop étroite pour croiser un bus, une cuisinière improvisée lavant la vaisselle pour 200 couverts à la main… Varneige, c’est tout cela à la fois : un rêve de neige, d’audace, d’hiver varois, devenu légende.
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Article de Var matin paru le 10 février 2013 |
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