Ce que résume l'article :
Dans son article, Olivier Razemon retrace l’histoire singulière de Varneige, petite station de ski créée au milieu des années 1960 sur les pentes du Mont Lachens (1 714 m), point culminant du Var. À cette époque, la France connaît un véritable engouement pour le ski alpin : les Jeux olympiques d’hiver de 1968 à Grenoble se profilent, les sports d’hiver se démocratisent, et des stations poussent dans de nombreux massifs, même dans les zones méridionales. Inspirés par le succès de stations voisines des Alpes-Maritimes, notamment l’Audibergue, des promoteurs et entrepreneurs varois — pour beaucoup originaires de Saint-Raphaël — imaginent qu’un petit domaine skiable local pourrait séduire les habitants de la Côte d’Azur. Le Mont Lachens, avec ses panoramas sur Cannes, les îles de Lérins et parfois la Corse par temps clair, et ses chutes de neige annoncées comme abondantes, semble être l’endroit idéal.
En 1965, la station ouvre officiellement. L’équipement est modeste mais ambitieux pour le secteur : deux téléskis desservant trois pistes, et un grand hôtel-restaurant de trois étages construit au pied des pistes, doté de chauffage central, de radiateurs en fonte et d’une grande terrasse en bois pour les moments ensoleillés. Les débuts sont encourageants : la neige tombe régulièrement durant les premiers hivers, les week-ends attirent une clientèle familiale venue à la journée, et l’hôtel héberge quelques vacanciers en séjour. L’endroit devient un but de sortie pour les écoles et les clubs de ski du littoral, qui organisent des montées en car les jeudis et dimanches.
Mais la station reste fragile. L’accès routier, par une route étroite et sinueuse, se révèle compliqué, surtout en cas de fort enneigement. Les cars doivent parfois chaîner sur plusieurs kilomètres. S’ajoute un handicap structurel : l’absence de réserve d’eau, qui empêche toute installation de neige artificielle et complique déjà le fonctionnement de l’hôtel. L’enneigement, bien que parfois généreux, n’est pas toujours régulier. Surtout, un drame frappe l’exploitation : le décès accidentel du principal gérant, survenu lors d’une plongée sous-marine. Sans direction stable, la station peine à rebondir.
Au fil des années 1970, l’activité se réduit. Les téléskis finissent démontés ou laissés à l’abandon, les pistes se recouvrent d’herbes hautes. L’hôtel, désaffecté, devient la proie des pillages : portes et radiateurs disparaissent, les vitres sont brisées. Les tags et les graffitis envahissent les murs, et les lieux deviennent un repaire pour explorateurs urbains, marginaux ou simples curieux. Dans les années 2000, la carcasse en béton est encore visible de loin, dominant la vallée comme un vestige d’un rêve inachevé.
Lorsque l’article de Razemon paraît en 2012, le Conseil général du Var a tranché : la démolition est programmée, l’édifice étant jugé dangereux et nuisible au paysage. Pour certains élus, cette décision marque la fin d’un épisode qui, s’il fut ambitieux, manquait de préparation. Claude Marin, maire de La Bastide, n’exprime « aucune nostalgie » ; Bernard Clap, président de la communauté de communes Artuby-Verdon, reconnaît que les élus locaux auraient pu être plus impliqués, tout en rappelant que « les sports d’hiver ne sont pas la culture du département ».
L’histoire de Varneige illustre ainsi les limites du développement du ski en dehors des zones traditionnellement enneigées. Elle témoigne aussi de l’enthousiasme — parfois irréaliste — des années 1960, lorsque l’or blanc semblait à portée de main, même dans le Var. Aujourd’hui, le Mont Lachens est redevenu un espace naturel apprécié des randonneurs, cyclistes et parapentistes, loin des téléskis et de l’hôtel qui rêvaient autrefois d’attirer la Côte d’Azur à la montagne.
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Article Le Monde paru le 20 aout 2012 " Olivier Ramezon" |
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